Le Bureau du développement durable et sociétal de l'Université Polytechnique Montréal, l’Association des Services Alimentaires de Polytechnique (ASaP), l’Association étudiante de Polytechnique (AEP), le CIRAIG et PolyCarbone ont collaboré pour mettre en place un projet d’affichage de l’empreinte carbone de l’offre alimentaire servie dans les aires alimentaires de Polytechnique Montréal depuis 2022. Ce projet a pour objectif de sensibiliser la communauté Polytechnicienne à l’impact de son alimentation sur les changements climatiques et l’encourager à faire des choix alimentaires plus durables.
PolyCarbone a quantifié en 2024 l’empreinte carbone d’environ quarante nouveaux plats. La validation scientifique a été réalisée par le CIRAIG. Le projet d’affichage d’empreinte carbone dans les cafétarias est réalisé en partenariat avec la Ville de Montréal.
Système de notation
L’empreinte carbone représente l’impact sur les changements climatiques des gaz à effet de serre émis par l’ensemble des activités sur le cycle de vie des aliments du champ à l’assiette, en passant par la production, la transformation, l'emballage, le transport et la gestion des déchets. Elle est quantifiée en kilogrammes d’équivalent CO2 (kg éq. CO2) et est reportée sur l’échelle de notation à 9 paliers de Polytechnique, tel qu’illustré ci-dessous.
Les plats obtenant des notes entre A*et D+ ont une empreinte carbone inférieure à la moyenne actuelle d’un repas moyen omnivore au Québec. Ces plats sont à privilégier pour réduire l’empreinte carbone de notre alimentation. Les plats obtenant la note de F n’obtiennent pas la note de passage. Ils ont une empreinte carbone supérieure à la moyenne d’un repas omnivore consommé au Québec. Réduire leur consommation pourrait améliorer significativement l’empreinte carbone de notre alimentation. À titre de comparaison, la préparation d’un repas noté D+ équivaut à l’impact d’un trajet de près de 5 km en voiture.
Vue d’ensemble des plats
L’empreinte carbone des plats offerts à la session d’automne 2024 a été comparée. Un plat représente typiquement une portion individuelle ou item vendu par l’ASAP. La masse des aliments et leur qualité nutritionnelle ne sont pas équivalentes d’un plat à l’autre et un plat ne constitue pas nécessairement un repas complet équilibré. Ce projet vise à sensibiliser la communauté à l’impact de son alimentation sur les changements climatiques et les résultats ne tiennent pas compte des autres effets sur l’environnement et la santé.
● Les 3 plats qui obtiennent la note de A* sont tous des plats végétaliens.
● Plus de 90% des plats végétariens et végétaliens obtiennent une note inférieure ou égale à B, tandis que plus de 80% des plats contenant de la viande ou du poisson obtiennent une note supérieure ou égale à C+. Les plats végétariens et végétaliens sont donc généralement de meilleures options pour réduire son empreinte carbone que ceux contenant de la viande.
● Le fromage est également un ingrédient qui alourdit l’empreinte carbone des plats.
● Choisir frite ou salade en accompagnement DUO SNACK ne change pas la note.
● Dans le calcul de la note, la quantité d’aliment dans l’assiette compte autant que la composition du plat!
Ces résultats suggèrent que dans une alimentation carnée, il est préférable de réduire la quantité de viande de ses repas et de choisir des viandes bas carbone, comme la viande blanche. De plus, manger végétarien ne suffit pas! Il faut aussi réduire la consommation de fromage qui a plus d’impact que la viande blanche.
Quels sont les processus qui contribuent le plus à l’empreinte carbone des plats?
● La production des ingrédients est de loin le principal contributeur. La cuisson, les emballages et le transport des ingrédients jusqu’à Polytechnique ont une faible contribution à l’empreinte carbone de la plupart des plats.
● Parmi les ingrédients, la viande et le fromage sont les plus gros contributeurs.
Pour en savoir plus sur ton assiette
Végétarien versus végétalien : des différences considérables!
Dans l’ensemble, les plats végétariens et végétaliens ont une empreinte carbone plus faible que les plats à base de viande, mais il y a des différences considérables entre les plats végétariens contenant des produits laitiers (notamment du fromage) et ceux n’en contenant pas.
Par exemple, les penne Alfredo ont une empreinte carbone deux fois plus élevée que les penne sauce légumes grillés.
Les deux portions de pâtes contiennent la même quantité de pâtes (280 g de pâtes cuites). La différence se joue sur la sauce : tandis que la sauce aux légumes grillés est 100 % végétale, la sauce Alfredo contient du fromage dont l’empreinte carbone est cinq fois plus élevée que celle de la crème et du lait réunis. Cela s’explique par le fait qu’il faut en moyenne 10 litres de lait pour produire 1 kg de fromage et que l’empreinte carbone du fromage est directement liée à la quantité de lait nécessaire pour le produire (Sahu et al., 2021).
Frite ou salade en accompagnement?
Une salade pas si verte
Surprise! Parmi tous les plats analysés, les salades ne sont pas les meilleures élèves : la salade de tofu croustillant mise à part, leur note varie entre C+ et D+. Pourtant, une salade, c’est presque que des légumes, non?
Oui, presque : en plus du quinoa, de légumes et crudités et d'une dose de vinaigrette pour l'assaisonnement, les salades sont agrémentées d’une protéine. La note obtenue par la salade dépend grandement de la nature de cette protéine.quinoa, de légumes et crudités et d'une dose de vinaigrette pour l'assaisonnement, les salades sont agrémentées d’une protéine. La note obtenue par la salade dépend grandement de la nature de cette protéine.
La salade de tofu croustillant, la salade au poulet croustillant et la salade de crevettes asiatique contiennent environ la même quantité de protéine, soit environ 27 % de la masse totale du plat. En revanche, selon la protéine, la part de l’empreinte carbone du plat liée à la protéine varie de 32 % (tofu), 61 % (poulet) à 78 % pour la salade de crevette! Ces fortes différences sont liées à la nature des protéines : le tofu croustillant est constitué essentiellement de soya fermenté, plante ayant une faible empreinte carbone (Meiha et al., 2018). En revanche, le poulet croustillant est majoritairement composé de poulet, qui a une empreinte carbone plus élevée que le soya. La crevette est de loin la protéine ayant la plus haute empreinte carbone : si tu veux savoir pourquoi, voir la section « Et les poissons dans tout ça? Sont-ils une alternative intéressante à la viande? ».
La viande rouge met ton plat… dans le rouge
Les plats de viande rouge, notamment contenant du bœuf, n’obtiennent pas la note de passage. Avec une empreinte moyenne autour de 27 kg éq de CO2 par kilogramme, la viande de bœuf a une empreinte carbone au moins 4 fois plus élevée que le porc, les viandes blanches et les poissons (Clune et al., 2017). Dans le burger au bœuf, la galette de bœuf est responsable de 94 % de l'empreinte carbone alors qu’elle ne pèse que 42 % de la masse des ingrédients du plat. Ce sont les mêmes constats pour la pizza steak-saucisse-piment et la poutine viande fumée : le bœuf représente seulement environ 14 % de leur masse, mais contribue à respectivement 50 % et 61 % à l’empreinte totale. Mais pourquoi le bœuf a-t-il une empreinte carbone aussi élevée?
Tout d'abord, le méthane (CH4) issu de la digestion des bovins est responsable de la majorité de l'empreinte. Du point de vue du réchauffement climatique, émettre 1 kg de méthane est équivalent à émettre 29,8 kg de dioxyde de carbone (CO2) dans l’atmosphère (IPCC, 2021).
Ensuite, le fumier des bovins produit du protoxyde d’azote (N2O), un gaz au pouvoir de réchauffement global 273 fois plus puissant que le CO2 (IPCC, 2021).
Finalement, les émissions reliées à la production des aliments pour nourrir le bétail sont loin d'être négligeables. Il faut environ 10 kg de protéines végétales pour produire 1 kg de protéine animale (Laisse et al., 2019), ce qui mobilise des terres, requière des intrants chimiques, notamment des engrais azotés, et contribue à près de 25 % aux émissions de GES reliés à l'élevage bovin.
Et la viande de porc alors?
Saucisse, bacon et pepperoni sont des ingrédients contenant de la viande de porc que l’on trouve dans plusieurs des plats servis cet automne (pizza steak-saucisse-piment, pizza pepperoni, club sandwich et BLT).
Contrairement à la croyance populaire, leporc ne fait pas partie des viandes rouges. Son intensité carbone par kilogramme de protéine est en moyenne 7 fois plus faible que celle du bœuf et 1,5 fois plus faible que celle du fromage (Poore et Namecek, 2018). Par contre, le bacon a une empreinte carbone deux fois plus élevée que celle du poulet.
Et les poissons dans tout ça? Sont-ils une alternative intéressante à la viande?
Ça dépend!
Les meilleurs choix sont les moules d’élevage, les petits poissons pêchés, la truite ou le saumon. Leur empreinte carbone est proche de celle du poulet, qui figure parmi les viandes les moins émettrices de GES.
Les pires choix (poissons plats, homards) ont une empreinte carbone beaucoup plus importante, proche de celle du bœuf!
Plusieurs facteurs peuvent contribuer à l’empreinte carbone des produits marins. Il y a deux manières de produire du poisson : la pêche commerciale et l’aquaculture. La distance à parcourir et le rendement de la pêche sont les deux facteurs qui contribuent le plus aux variations de l’empreinte carbone de la pêche commerciale selon les espèces. L’empreinte carbone de l’aquaculture n’est pas non plus négligeable, car les poissons d’élevage se nourrissent souvent d’autres poissons qu’il faut initialement pêcher! Par ailleurs, la pêche et l’aquaculture intensive créent d’autres problèmes environnementaux ou économiques : épuisement des stocks, impacts sur la biodiversité, la pollution de l’eau, etc.
Pour aller plus loin…
Au-delà de l’empreinte carbone, bien choisir ses aliments, c’est choisir des aliments sains pour la santé qui ne créent pas d’autres enjeux environnementaux sur la biodiversité, la raréfaction de l’eau douce, la pollution et l’eutrophisation des cours d’eau, la transformation des terres, la santé des sols ou la pollution plastique… L’alimentation présente en effet des enjeux complexes qu’il faut aborder de façon systémique pour amorcer la transition vers des systèmes alimentaires durables.
Le projet d’affichage d’empreinte carbone de Polytechnique Montréal est un pas en avant, mais présente un certain nombre de limites dont il faut rester conscient pour continuer à progresser dans la bonne voie.
Pour en savoir plus sur les enjeux des systèmes alimentaires, voir le projet Chemins de transition.
Principes méthodologiques
L’approche cycle de vie permet d’évaluer les impacts environnementaux d’un produit sur toutes les étapes du cycle de vie de l’extraction des matières premières à la gestion des déchets en passant par la fabrication, le transport et l’utilisation du produit. Dans le cas d’un aliment, cela inclut par exemple la production de semences, l’utilisation de sols, de machineries et d’intrants énergétiques et chimiques pour cultiver un champ et récolter la matière première, le transport de cette matière première jusqu’à une usine de transformation ou de conditionnement, l’énergie, l’eau, les produits chimiques, et les autres ressources nécessaires pour transformer la matière première ou la conditionner, la production et le transport des emballages jusqu’à l’usine de transformation/conditionnement ou encore les ressources nécessaires à la distribution du produit fini.
L’empreinte carbone est un indicateur d’impact environnemental utilisé en analyse du cycle de vie qui s’intéresse spécifiquement au réchauffement climatique. Pour quantifier l’empreinte carbone des plats servis, toutes les émissions de gaz à effet de serre (GES) ont été inventoriées à toutes les étapes du cycle de vie des plats inclus dans l’analyse. À partir des quantités de GES inventoriées et de leur pouvoir de réchauffement global (PRG), on a pu ensuite calculer un score d’impact exprimé en kilogramme équivalent de CO2 (kg éq. CO2) pour caractériser l’empreinte carbone de chaque plat.